Le lecteur et les étoiles endormies
Continuation de_ La Sphère et la Lune. Le Scribe des étoiles : La Bibliothèque vaticane_ Lisez d'abord le chapitre 1.

Chapitre 2 — Le lecteur et les étoiles endormies
La salle est remplie d'érudits désireux de percer des énigmes, de déchiffrer des codes et de déchiffrer des souvenirs. Les étagères vitrées regorgent de volumes de toutes les couleurs et semblent soutenir non seulement le plafond de la pièce, mais le firmament tout entier.
Notre étudiant, un doctorant au regard tremblant, marche d'un pas rapide. Il ne veut pas rompre le silence qui sent le parchemin, la poussière noble et les lampes éteintes depuis des siècles. Il pose le codex sur la table, sous la lumière dorée d'une lampe qui l'attend comme un soleil patient. Les pages s'ouvrent comme des ailes.
Soudain, il n'est plus seul : chaque manuscrit autour de lui est une planète ; chaque vitrine, une orbite. Il lève les yeux et découvre une constellation de titres :
- Tiré de Sphaera Mundi — Johannes de Sacrobosco (XIIIe siècle)
Le livre qui, pendant quatre siècles, a expliqué le cosmos en cercles parfaits. Diagrammes de sphères, commentaires en rouge et noir. L'univers tel une horloge précise, même si le temps l'a corrigée par la suite. - Tables alphonsiennes (traductions de l'arabe, XIIIe-XIVe siècles)
Là, l'arithmétique des étoiles : positions planétaires, calculs du ciel hérités de Tolède et déployés dans toute l'Europe. Les voix des astronomes arabes résonnent dans leurs sillons. - Codex Palatinus 1414 — une mosaïque de connaissances (XIVe siècle)
Réunis dans un même volume : Zarqālī, Messahalla, Gérard de Crémone. Un palimpseste culturel où Orient et Occident se sont donné la main sous le même ciel. - Volvelas médiévales — disques de papier mobiles (XVe siècle)
Des roues découpées et superposées qui, une fois tournées, révèlent les phases lunaires et les trajectoires planétaires. Une astronomie portable : des horloges de papier qui tournaient comme des jouets funéraires entre les mains des érudits. - Traductions hébraïques du De Sphaera (Vat. ebr. 292, 382)
Le même texte dans un alphabet différent : courbes et couronnes, lettres qui semblent danser avec la physique céleste. La science voyageant d'une langue à l'autre telle une comète persistante.
Le doctorant scrute chaque initiale illuminée du regard. Les lettres ne sont pas que des mots : ce sont des corps célestes, dotés d'une gravité suffisante pour susciter des siècles de questions. Il passe son doigt – sans toucher, en suivant simplement le contour – sur un diagramme circulaire.
Pense: Ici, un homme anonyme a tracé des lignes sous une lune claire. Maintenant, ces lignes sont ma boussole.
Il frissonne. Il réalise que lire, c'est comme converser avec un inconnu à travers sept siècles.
La lampe vacille. Dehors, Rome respire. À l'intérieur, la bibliothèque garde son plus grand secret : la certitude que la pensée humaine peut plier les siècles, rapprocher le passé et le présent comme quelqu'un plie une feuille de parchemin.